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Le péché et son lien avec la mort
Rodolfo Felices Luna | 22 janvier 2024
Quel est le péché qui, selon la Première lettre de Jean, mène à la mort et celui qui ne mène pas à la mort ? (Édouard K.)
1 Jean 5,16 recommande de prier pour le péché des autres, en autant qu’il ne s’agisse pas du « péché qui mène à la mort », sans plus. La référence, remplie d’ambiguïté, est impossible à déchiffrer avec certitude.
Le propos de l’épître au sujet du péché est double : d’une part, ceux qui sont nés de Dieu ne doivent pas pécher (2,1 ; 3,9 ; 5,18) ; d’autre part, prétendre être sans péché est un mensonge (1,8.10). Jésus intercède pour nous devant Dieu (2,1-2), alors nous pouvons confesser nos péchés en toute confiance (1,9 ; 3,19-20).
Certains commentateurs expliquent le « péché qui mène à la mort » en termes d’apostasie, puisque la communauté est le lieu où s’exerce la miséricorde divine (1,3-4), alors que le monde du dehors gît sous l’emprise du Malin (5,19), de sorte que les fidèles sont appelés à ne pas aimer le monde et à se dissocier de ses penchants mauvais (2,15-17). D’anciens membres de la communauté ont quitté les rangs et sont appelés « antichrists » (2,18-19) ; ce sont des « faux-prophètes » qui ne s’expriment pas sous l’esprit de Dieu mais qui reflètent l’esprit du monde (4,1-6). Il se pourrait que l’auteur de 1 Jean réfère à leur péché d’apostasie comme le péché qui les place au-delà de la portée de la prière d’intercession communautaire.
Une solution encore plus radicale serait de considérer le manque de charité envers le prochain comme le « péché qui mène à la mort » (5,16), puisque « nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie » en aimant nos frères et que « celui qui n’aime pas est encore sous le pouvoir de la mort » (3,14). Le passage qui suit précise que nous sommes appelés à partager nos biens en ce monde avec les nécessiteux ou alors nous devenons en fait des meurtriers, coupés de la vie éternelle (3,15-18).
Il serait possible de relier les deux hypothèses : ceux qui ont quitté la communauté l’ont fait non pas par perte de foi (puisqu’ils continuent de « prophétiser » dans le monde), mais afin d’éviter de partager leur confort matériel avec leurs frères, d’où les invectives d’assassins et d’antichrists lancés par l’auteur de 1 Jean, alors que le Christ a déposé sa vie pour tous (3,16).
Quoi qu’il en soit, l’auteur de 1 Jean semble envisager une vie de foi et d’amour exemplaire mais faillible, d’un côté, et une mort certaine lorsque des individus se coupent de l’amour de Dieu vécu « en famille » d’enfants de Dieu, de l’autre.
Rodolfo Felices Luna est professeur à l’Oblate School of Theology (San Antonio, Texas).
