Rivière intérieure (détails). Adèle Gauthier © 2018.
Tableau peint à l’encaustique, collection privée (reproduction autorisée par l’artiste).

 Hélène Pinard et Hélène Boudreau | 10 février 2025

À force de fréquenter la Bible à l’aide du récitatif biblique, une nouvelle habitude s’est installée dans la façon de lire et de comprendre la Parole de Dieu transmise par les écrivains bibliques. Il s’agit de diriger notre attention sur ce qui crée un malaise intérieur.

Accepter l’inconfort

Remettre en question ses propres façons de penser, accepter d’entrer dans un processus de changement provoquent de l’inconfort. On sait bien que ce qui est connu est rassurant.

Cependant, ne pas se décourager, accepter de marcher sur un chemin différent peut ouvrir sur des découvertes qui permettent d’approfondir la relation avec ce Dieu Père qu’on n’a jamais fini de connaître.

Et c’est au moment précis où le cœur s’ouvre à la nouveauté que le message peut prendre un nouveau sens, souvent plus ajusté, pour soi-même, comme pour tout un groupe qui fait l’effort d’apprendre par le cœur une péricope.

Vivre le portage

Un des apprentissages importants dans la discipline du récitatif biblique est celui qui consiste à porter dans le temps la péricope que l’on veut imprimer dans le corps. Cela vaut autant pour les récitatifs appris depuis quelques années que pour les nouveaux récitatifs.

Des jours, des semaines, des mois passent parfois avant de cerner la source du malaise. Est-ce de l’ordre affectif, intuitif, intellectuel?

En effet, lors des périodes de latence, la Parole de Dieu continue de rejouer, de travailler intérieurement. Elle propose, questionne, dérange… Pendant ce temps, de nouvelles expériences de vie nourrissent le portage.

On peut alors recevoir intérieurement certaines questions : Le message du texte peut-il être compris sous un ou des angles différents? Ceux-ci correspondent-ils à ce que Jésus a enseigné? Tout au long du processus, on risque de dévier du message du Dieu Amour présenté par le Christ.

Accompagner l’origine du malaise

Pendant cette période de mûrissement, on peut revoir les différentes traductions de la péricope et comparer celle qui a été choisie lors de la création du récitatif.

Il est possible que la Parole habite une zone intérieure encore inexplorée dans l’histoire personnelle, provoquant le besoin d’y accéder pour accueillir l’action de Dieu qui vient dénouer une impasse ou confirmer une intuition.

Pendant ce temps, des lectures d’exégètes peuvent apporter des éclairages nouveaux et accompagner le cheminement. Des partages avec d’autres personnes offrent un nouveau point de vue sur ce qui a provoqué le questionnement. Dans la prière, une nouvelle saisie peut surgir comme un éclair, obligeant à prendre en compte la réalité sous un œil différent.

Enraciner dans la dimension corporelle

Les gestes choisis pour exprimer la Parole jouent un rôle important. Un exemple particulièrement marquant a été partagé dans un article précédent [1] .

De même, la transmission du Psaume 138a été l’occasion de vivre un changement de gestes lors de la récitation. Au verset 3 : « Le jour où j’ai appelé tu m’as répondu. Tu fortifies en mon âme la force », le geste se faisait initialement avec le bras dominant. Suite à une intuition, un déclic intérieur, une personne a accidentellement fait le mouvement avec l’autre bras. L’effet ressenti a créé une perception plus profonde du verset. Tout le groupe a expérimenté, goûté et adopté le nouveau geste. Le Seigneur n’agit-il pas dans nos faiblesses pour nous rendre plus forts?

S’approcher d’une vérité à la couleur de Dieu

En récitatif, le malaise n’est pas quelque chose à ignorer. On choisit d’accueillir et de demeurer ouvert dans son cœur, en esprit. On cherche activement différentes couches de compréhension en restant à l’écoute et vigilant.e aux ressentis intérieurs.

Oser différentes explorations de vocabulaire, de gestes et de résonance intérieure enrichit le vécu à partir de la péricope. Les fruits d’un tel approfondissement donnent un goût différent à toutes nos relations.

Hélène Pinard, FCSCJ, est bibliste et transmetteure de l’Association canadienne du récitatif biblique. Hélène Boudreau est aussi transmetteure de l’Association.

[1] Voir : Hélène Pinard, « Un pharisien, un publicain », 9 septembre 2024.